Une rien, une chose : Elle !

SANDEst-ce le moment de se taire quand tout le monde se terre ? Ne rien dire et défaire en un rien de temps ce que l’on a mis tant de temps à devenir autre chose qu’un rien, qu’une chose, qu’une simple idée qu’on a appelée la vie ? Heureusement, cette femme au doigt levé sur ses lèvres me provoque, m’incite, m’acère, me supplie de me défaire pour mieux me faire entendre ce rien, cette chose, qui gronde en moi, en nous, en vous, en Terre. Et son chandail croisé de ces riens laisse passer son tout, vers elle, vers moi, je préfère qu’il n’y ait plus vous.

Pourquoi ? Je n’en sais rien, je n’en sais chose. Et dans ces choses, je me dis qu’il faut verbaliser, grammatiser, orthographier et organiser ce fatras de rien en une phrasitude de choses. Que me dit-elle dans ses non-dits, que m’apprend-elle dans ses non-appris ? Que me veut-elle dans ses oui-voulus ? M’entrainer vers le son d’un battement d’œil, de ventricule et d’imagos. Taisez-vous, dit-elle, pour mieux parler et Chut ! pour mieux tomber… Alors je tombe — c’est mon rôle — vers un vide empli de rien et je crie. Pas d’air ? Plus d’air ? Plus de sons… Si l’anse que forme son bras m’appelle à me servir, c’est à moi de franchir le seuil d’une porte sans porte. S’emporte, m’emporte ? J’aimerai, tu aimerais, tu aimeras, mais mes mots ne sont pas émaux ni bijoux pour ce voyage qu’elle mérite. Tais-toi, me dit-elle, à présent, me tutoyant, me bousculant, me prévenant que demain ne sera pas un autre jour parce que demain peut ne plus exister, même pas demain, mais juste pour hier. Et encore ? Et je me questionne : que veut-elle me faire taire ? Ma lâcheté d’Homme-humus ? Elle a raison. Je cherche des mots, mes mots, ceux que j’avais avant. Où sont-ils ? Comment sont-ils ? Pourquoi sont-ils ? Chut ! dit-elle, cela me laisse du temps pour trouver le temps qui me cherche depuis le début des temps. Et l’étang de son corps s’attarde sur mes pupilles, persiste rétiniennement et je la vois nue avant qu’elle ne soit nue. Un cadeau avant le cadeau, Noël avant Noël, l’après avant l’avent, la tempête avant le vent, la vie d’avant avant la mort d’après ? Et puis après ? Plus rien…

Le souffle de sa voix essouffle ma voie. Où puis-je aller, au pire-aller, au mieux aller, pour m’approcher sans l’affoler, elle qui me silence forcé. Pourtant, je ne parle pas puisque j’écris ? Sera-t-elle heureuse de voir enfin mon obéissance s’agenouiller devant le doigt de sa raison sur les lèvres de ma déraison. Va savoir, toi qui partages ce moment avec moi, devant une photo dont les reliefs sous sa cotte se dessinent en 3D. Ses lèvres, ses seins, ses doigts ? Et je dois me taire et m’orgasme sans bruit ? Quelle injustice ! Comment tu fais, toi ? Car moi je n’y arrive pas. Me dit-elle de ne pas venir ? Me dit-elle de venir ? Me dit-elle ce qu’elle me dit ou ce qu’elle ne me dit pas ?

Mère de Dieu, et fille de la musique, ce trait d’union qui t’éponyme m’encourage à respecter ce que tu es. Tu chantes en ultra-son, je connais cet air, celui des sirènes qui attirent le marin pour mieux le dévorer. Pire, toi, tu le feras en silence ! Entendu ! Ainsi soit-elle !

Mais chut, redit-elle ! Trop tard, j’en dis déjà trop alors que je ne sais toujours pas ce que je ne dois pas dire.

Ah ! Si, ça y est : je sais…


D’après un tableau de SAND

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