L’hirondelle du Vert Galant

DOISNEAU-Square-du-Vert-Galant(Tous droits réservés à Robert Doisneau)

L’hirondelle en uniforme ne fait pas le printemps. C’est normal, l’automne en tablier a fait sa rentrée d’écolier depuis un bon trimestre. Les arbres ne sont plus que des fossiles de verdure, le ciel est vide de couleurs chaudes et la Seine coule sous le Pont Neuf, emportant les larmes des amours oubliées vers son collègue, le Pont Mirabeau, qui les ramassera quand viendra la nuit et quand sonnera l’heure mais pas avant.

Le square du vert-galant, en hommage au fougueux Henri IV, est un lieu calme et serein au beau milieu de la ville des lumières. Le feu qui dévora jadis à ce presque endroit le maître de l’Ordre du Temple est éteint depuis des siècles et les voitures, pourtant de moins en moins rares en cet après-guerre, ne peuvent y venir. Un bonheur ! De plus, sur la rive en face, où trône la Samaritaine, la voie rapide Pompidou n’est même pas à l’état de projet ! D’ailleurs, qui est Pompidou ? Vraiment, que l’on y est bien, à écouter le temps faufiler ses heures dans un silence quasi monacal. Forcement, Notre-Dame n’est pas loin.

Normal donc qu’une mère de famille y balade son petit en ce jeudi béni des cancres. Mais l’hirondelle, d’ordinaire en vélo et rarement solitaire, ne gazouille pas, cette fois-ci, elle siffle. Elle siffle parce que le bambin de la dite maman se tient debout sur le banc public derrière lequel se bécottent deux amoureux au grand dam de Monsieur Georges. Les pieds enrobés d’un excrément canin, l’enfant salit inconsciemment le bien insaisissable de la ville de Paris que le gardien de la paix de ce square entendait conserver propre. Alors, il se plaint auprès du gamin qui lui tire la langue avant de continuer son exercice de funambule, et il se plaint auprès de la mère qui ne l’écoute pas, subjuguée par les amoureux de Peynet plus vrais que nature, derrière la clôture, et qui lui rappellent le temps de ses vingt ans.

Personne n’écoute ce petit flic de quartier, ce Maigret en impuissance. Personne ne le regarde.

Personne ?

Si, Monsieur Doisneau et son appareil photo.



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